Billet du moment – Avril 2021
Antigone restée vivante
« Rien d’excessif ne s’insinue dans la vie des mortels qui ne les expose au malheur. » (Sophocle)
Il y a quelques mois, alors que j’étais en déplacement à Paris, je suis tombé sur un exemplaire d’Antigone chez un bouquiniste. Je ne le cherchais pas spécialement, mais j’ai eu envie de relire ce classique – ce que je fis dans le train qui me ramenait chez moi. Outre le plaisir de retrouver un texte immense, je retenu cette extraordinaire citation « Le proche et le lointain avenir, aussi bien que le passé, viendra confirmer cette loi : il n’est pas d’existence humaine où le moindre excès ne pénètre sans qu’elle connaisse un désastre. ». Un avertissement vieux de plus de 2000 ans, qui vient nous percuter avec la force des évidences naturelles ; une mise en garde dont l’oubli nous a – et continue – de nous coûter cher.
A l’évidence, nous avons oublié l’essentiel et basculé dans l’excès. Nous avons confondu la productivité et le confort avec l’accomplissement et le bonheur. Et à l’évidence, nous courons au désastre… Nous sommes nombreux à penser que revenir au monde d’avant serait une folie. Si nous ne changeons rien, nous aurons gâché cette crise.
Sortons de l’agitation, abandonnons le superflu, embrassons notre condition, et revenons à nos valeurs fondamentales. En trois mots, comme toujours : présence, acceptation et engagement. Même si nos actions ne portent pas, faisons ce que nous jugeons être juste, beau et bon – c’est ainsi que nous pourrons nous retrouver collectivement autour de valeurs communes et réaliser de grands changements. Arrêtons d’attendre, faisons notre part – aussi dérisoire puisse-t-elle paraitre. Et puis relisons Sophocle. Car s’il en est une qui ne transige pas avec ses valeurs, même dans les circonstances les plus tragiques, c’est bien Antigone. C’est précisément pour cela que sa lumière traverse les siècles et nous éclaire aujourd’hui encore avec une telle intensité.
qui nous piègent tous »